Un axe de réflexion autour de la justice intracommunautaire.

Sur Toulouse un groupe travaille ces questions d’exclusions.. ceci est un extrait d’un texte plus long publié sur IAATA le 18 Novembre 2023

Nous critiquons l’utilisation quasi-systématique de l’exclusion et d’approches punitives qui relèvent davantage du dressage que de la transformation sincère. On voit la sanction, tout comme la prison, comme un outil défectueux et une impasse politique.

Notre démarche s’inscrit dans une approche transformatrice, féministe, queer, critique de toutes les oppressions et des systèmes qui les sous-tendent : en d’autres termes, notre approche se veut révolutionnaire.

Cependant, nous ne voulons pas opposer l’idéal politique à la réalité du « terrain ». Nous sommes conscient·e·s que l’exclusion peut être nécessaire dans certains cas, notamment pour que les personnes victimes d’agressions et de discriminations puissent continuer de fréquenter leurs assos, milieux, etc.

Dans tous les cas nous voulons repenser cet outil, pour ce qu’il est : un outil, un certain moyen de réponse, et donc s’en servir en fonction des besoins réels et non pas d’une projection morale.

Nous voulons nous dire qu’à des moments c’est opportun de s’en servir, mais qu’à d’autres moments ça ne l’est pas : et c’est ça que nous essayons de définir ensemble pour éviter les réponses toutes faites qui déshumanisent tout le monde (victimes comprises).

Ainsi :

  • Nous critiquons clairement que cet outil se systématise à l’ensemble de la communauté queer et d’autres, ne touchant pas des personnes véritablement privilégiées, intouchables, qui ont la capacité et le pouvoir de se défendre.
  • Nous critiquons que l’exclusion soit toujours définitive et ne prenne pas en compte la capacité des individus à se remettre en question, modifier leur comportement et donner réparation.
  • Nous critiquons que l’exclusion ne soit pas toujours assortie d’une explication claire, ce qui amène la personne exclue à réintégrer de nouveaux espaces sans avoir pris connaissance des comportements à travailler.
  • Nous critiquons que des situations de conflits soient amalgamées avec des situations d’agressions.
  • Nous critiquons la binarité victime/agressaire, et le fait de baser tout notre jugement sur la première personne qui se dit victime.
  • Nous critiquons que des choix d’exclusion puissent se faire sur la base de ressentis, sur un « sentiment d’agression » et non d’actes réels et sans hiérarchie des situations.
  • Nous critiquons que certaines personnes se réapproprient des histoires d’agressions pour effectuer des exclusions sans demander l’avis des personnes directement concernées et que ces histoires servent finalement surtout à satisfaire des égos mal-placés.
  • Nous critiquons que, encore une fois, les besoins des personnes victimes ne soient souvent pas écoutés ni même demandés.
  • Nous critiquons le fait que des personnes vont exclure pour se montrer vénères, avec une compétition à la radicalité créant une atmosphère de méfiance et de peur et contribuant à ce que rien ne change, et surtout pas les hiérarchies sociales militantes et communautaires, ce qui participe aussi à l’auto-exclusion des personnes les plus vulnérables.
  • Nous critiquons que les situations de handicaps et neuroatypie ne soient pas assez prises en compte, menant à de nombreuses exclusions et ostracisations de personnes ne correspondant pas à la norme neurotypique et valide.
  • Nous critiquons le fait de calquer des représentations hétérosexuelles sur des relations queers, en victimisant la personne la plus fem et en condamnant la personne plus masc ou en révélant la transmisogynie si courante dans les milieux queer et/ou TPBG.
  • Nous critiquons les dynamiques de rumeurs, de on-dits, qui mènent à mettre de nombreuses personnes à l’écart sans qu’elles aient jamais connaissance de ce qu’on leur reproche ou la possibilité de s’expliquer et d’échanger.
  • Nous critiquons la non-prise en compte des effets de l’exclusion sur la santé mentale et physique des personnes exclues, et l’utilisation de l’exclusion à la légère ou sous prétexte que les gens sont trop fatigués pour gérer des conflits.
  • Nous critiquons que les gens aient trop peur d’être exclus pour être capables de se positionner contre quelque chose qui leur semble injuste.
  • Nous critiquons que l’exclusion amène très rarement à changer des comportements problématiques, mais parfois les aggrave.
  • Nous critiquons que la peur de l’exclusion et la déshumanisation des agressaires dissuade des personnes de se questionner ou de reconnaître leurs propres comportements problématiques.
  • Nous critiquons qu’il soit plus risqué de reconnaître ses torts que de les nier.
  • Nous critiquons ces logiques qui nous auto-détruisent en prétendant nous empuissancer.

Nous déplorons les luttes intestines et nous inscrivons radicalement en désaccord avec les comportements sapants et autodestructeurs qui font le nid des fachos, de l’État et du capitalisme depuis aussi longtemps que ces dérives de l’histoire existent.
Nous essayerons toujours d’accueillir la critique et de la comprendre pour continuer sans cesse de faire de notre mieux, sachant que notre mieux de maintenant n’est pas « Le Bien » et qu’avec un peu de chance on fera encore mieux plus tard, du moins tant qu’on garde a l’esprit qu’on n’atteindra jamais « Le Bien ». Pour nous, la critique est nécessaire, perpétuelle et ancrée dans le dialogue.

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